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Question : 23/02/2018
Pourriez-vous nous en dire plus sur l'origine du nom Raufaste-Cazevieille?
(Christophe)
Réponse : 24/02/2018
Salut, Chris,
Très intéressante question dont la réponse est
intimement liée à l’
ancienneté de cette famille couserannaise et donc, à son
histoire.
Il faut avant tout retenir que le thème de la
« vieille maison », associé à l’idée de « séjour d’une vieille
lignée » a été étudié dans un cadre beaucoup plus général que celui du
Couserans et des seuls « Raufaste-Cazevieille », ou celui des pays
basques et languedociens.
C’est avec plaisir que je vous retranscris ici quelques
notes et sources que j’ai conservées sur le sujet.
Dans son ouvrage « Sapiens », Yuval Noah
Harari souligne l’ancienneté, et donc l’une des bases, du concept élargi de
« Maison » lorsqu’il le fait remonter à l’émergence du peuple des
agriculteurs. Pour mémoire, c’était lors de la toute première révolution
agricole ayant succédé à l’ère des chasseurs-cueilleurs. Elle a eu lieu il y a
environ 6000 ans avant notre ère.
Je le cite : «
Les cultivateurs, en revanche, passaient le plus clair
de leur journée à travailler un petit champ ou un verger et leur vie domestique
tournait autour d’une construction… d’à peine quelques dizaines de
mètres : La maison. Le cultivateur typique se prenait d’un attachement
très fort à cette structure. Ce fut une révolution d’une très grande portée
dont l’impact fut autant psychologique qu’architectural. Dès lors,
l’attachement à «sa maison» et la séparation d’avec les voisins devint la
marque psychologique d’une créature bien plus égocentrique… ».
Ceci pour dire que non seulement l’intérêt marqué pour
cette question d’ordre général remonte à loin mais qu’il s’est maintenu sans
discontinuer dans le cours des siècles qui ont suivi…
Dans le même et judicieux esprit, un article du journal
« Sud-Ouest » en date du 26 Juillet 2008, dont je n’ai
malheureusement pas noté le nom de l’auteur, nous dit :
« Casa
Vièlha, qui n’a rien d’une habitation d’infortune. Ce serait plutôt la
grande et digne maison d’une lignée. Quand on y rentre, on se plie à ses
usages, surtout quand on y devient bru (nòra)
ou gendre. D’où le verbe « se
casar », synonyme de « se
maridar ».
Citons également Claudine Pailhès (Du Carlit au
Crabère) :
« En Andorre, où
chaque famille (Casa) organisait son ravitaillement pour l’hiver… ».
ou bien encore
(même ouvrage):
« Le souvenir d’une civilisation lointaine, plus
forte à l’Ouest (des Pyrénées) et se diluant plus ou moins vers l’Est, n’est
pas qu’un fait linguistique. Comme la langue, les pratiques familiales et
communautaires pyrénéennes témoignent de la « mémoire profonde d’un peuple »
(P. Ourliac). L’importance de la « maison » (la casa, l’ostal) et du «
voisinage* » (la besiau*) est un fait fondamental de toutes les sociétés
pyrénéennes, mais c’est à l’Ouest qu’ils connaissent leur développement
extrême. »
« À l’ouest », lorsque l’on se trouve en Couserans, c’est
dire en se rapprochant du Béarn et du pays basque.
Pour conclure, les
Raufaste-Cazevieille ont donc pour particularité d’appartenir à une vieille maison/lignée, ce qui ne surprendra personne
après la lecture des deux tomes de « Reflets de Loups ».
Nul ne saura sans doute plus en quelle occasion cette distinction
onomastique particulière est apparue tant il vrai que tous et toutes
les Raufaste sont présumés issus d’une même et « vieille
maison » ! Je me souviens avoir lu quelque part qu’en Ariège,
la pratique des sobriquets est apparue autour du XVème siècle.
La simple logique
voudrait que cette nécessité soit apparue à un moment précis dans une
succession mettant en cause une branche aînée et une branche cadette… Mais…
Quoi qu’il en
soit, après tant de siècles passés sous une si grande influence endogamique,
nous voyons mal quelles pouvaient être les différences entre un
Raufaste-Cazevieille, un Raufaste-Sébria, ou un Raufaste-Peyrot, lorsqu’ils
quittèrent la vieille vallée, la plupart dans les années 1800, quelques fois
sans espoir de retour.
Une bonne raison d’adresser un même et cordial salut à tous les
Raufaste/Raufast, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent
aujourd’hui.
Adishatz à tous !
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Question : 20/12/2018
Y-a-t’ il des relations entre les
Raufaste/Wisigoths et les Cagots ?
Catherine
Réponse : 22/02/2018
Bonjour Catherine,
Les Cagots constituent un sujet qui m’a toujours
intéressé.
Mais les récits et supputations hasardeuses avancées
tant sur les Wisigoths que sur les cagots, ont été nombreuses. Il n’est donc
guère facile de s’aventurer dans ce secteur de l’histoire.
Je
vais cependant essayer de résumer au maximum mon « credo »
personnel sur les origines de cette population stigmatisée en scindant
ta question en trois questions/réponses.
1) Y-a-t’il eu des relations entre les Raufaste/Wisigoths
et les Cagots ?
C’est plus que probable si nous nous référons à
la politique bienveillante de la maison de Foix à l’égard des Cagots.
(Cf. : Gaston Fébus et les Cagots de Montaner dont je reparle ci-dessous.)
J’ai d’ailleurs proposé un éclairage sur cette question précise dans le Tome II
de Reflets de Loups.
2) Les Cagots furent-ils des Wisigoths, comme on le pense
généralement, ?
Il faut d’abord savoir que les Cagots ne
constituèrent jamais (et c’est fort heureux) qu’une faible partie de la
population. Une étude de Françoise Bériac avance le chiffre de 2 % dans le
sud-ouest de la Gascogne, région assez représentative de la présence cagote
dans le Sud-Ouest.
A partir de là, je répondrai à cette première
question par « oui et non ».
Oui dans le sens où il y eut sans doute
statistiquement beaucoup de Wisigoths parmi les Cagots. Cela tient probablement
au fait que contrairement à ce que l’on nous enseigne, une partie non
négligeable du peuple wisigoth est demeurée dans le Sud-Ouest de la Gaulle
Romaine après la victoire de Clovis en 507 (Vouillé.)
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard qu’une partie
de la noblesse pyrénéenne, et non la moindre, d’ascendance wisigothique au
moins partielle, soutenait plus ou moins officiellement ses cagots. À ce sujet,
l’attitude de Gaston Fébus à l’égard des Cagots béarnais de Montaner et la
reconnaissance que ceux-ci lui en témoignèrent en 1383, sont assez
significatives. (Cf. pour l’ensemble de la question, l’ouvrage incontournable
de Francisque-Michel, « l’Histoire des
Races Maudites… »)
Non dans
le sens où les Wisigoths furent loin de constituer l’unique origine des
populations Cagotes.
Fort probablement, nous retrouvons aussi dans ces
populations :
- Des
descendants des
Suèves, Alains, Taïfales, Sarmates et autres envahisseurs germains de
la première moitié du premier millénaire. Qu’ils aient été alliés
traditionnels ou adversaires résolus des Wisigoths, ils furent plus
nombreux que nous le croyons à rester dans l’hexagone. La toponymie
française contemporaine en témoigne encore de nos jours.
- Plus,
quelques très rares Vandales restés sur le territoire de l’hexagone dans le
sillage de Saint-Girons, guerrier vandale baptisé et finalement vénéré par les
populations. Ils ne furent pas la majorité du genre…
- Plus,
des descendants de ces mêmes populations précitées, installés dans la péninsule
Ibérique bien avant 507 mais qui avaient été contraints de revenir se réfugier
dans les Pyrénées et au Nord de la chaîne en raison des persécutions sarrasines
dont ils furent victimes à partir de 711, début de la « Conquista ».
- Plus,
d’autres représentants des mêmes, restés en Espagne en dépit des persécutions
dont ils étaient victimes et qui soutinrent fort logiquement Charlemagne lors
de sa tentative de « Reconquista » sur Saragosse. Cette tentative
s’étant mal terminée par Roncevaux en 778, les alliés ibériques de Charles furent
massacrés par Abd al-Rahman Ier, l’émir de Cordoue. Ils n’eurent d’autre choix
que se réfugier également au Nord des Pyrénées.
Cette dernière catégorie forme, grosso modo, le
groupe que l’histoire a conservé sous le nom d’ « Hispani », bien que ce groupe ait été constitué en grande majorité par des Wisogoths. Ils furent d’abord accueillis
et soutenus par les Carolingiens qui leur accordèrent protection et terres
(Aprisions). Néanmoins, cette protection ne fut pas éternelle. Ils furent
d’autre part confrontés à l’hostilité des habitants de la région au détriment
desquels leurs avantages avaient été parfois obtenus. Leur situation sociale se
délita au point que pendant les siècles qui suivirent, les plus
vulnérables d’entre eux furent
finalement rejetés dans la communauté réprouvée des cagots.
- Plus,
une nouvelle vague de migrants, comparable à celle de 778, mais qui se
produisit vers 1609
de l’Espagne en direction du Sud-Ouest de la France. Cette vague fait suite à
la décision de Philippe III d’Espagne d’expulser les Morisques qui, ainsi que
leur nom l’indique, étaient d’origine musulmane. Dans le même mouvement,
suivirent sans doute des Marranes et Conversos d’origine juive, également
malmenés au Sud des Pyrénées. Henri IV ayant décidé de les accueillir pour
ennuyer le roi d’Espagne, on estime à environ 150.000 le nombre des Morisques
et assimilés entrés en France à cette occasion.
- Plus,
mais ceci n’est qu’une conviction toute personnelle, une certaine
proportion d’infortunés qui, normalement, n’auraient jamais dû avoir
quoi que ce soit de commun avec les Cagots, mais qui furent seulement
rejetés de leur groupe ethnique naturel par la méchanceté, la cruauté
et la bêtise, « qualités » assez bien partagées dans notre
espèce humaine.
Nous voyons ainsi que les descendants des
Wisigoths n’eurent pas l’exclusivité de l’origine du phénomène Cagot. Ajoutons
que la majeure partie de la noblesse pyrénéenne, elle-même apparentée aux
Wisigoths, n’a pu contribuer ni la naissance ni au développement du
processus cagot, bien au contraire !
3) Existe-il une possibilité pour que le clan Raufaste
(ès qualité de descendant de Wisigoth) ait appartenu à la population des
cagots?
A priori, aucune.
Je fonde cette assurance sur les constats
suivants :
a) Le plus ancien « Raufast » trouvé
dans la documentation est prêtre (1315. Notre Dame de Tramesaygues). Il est
membre fondateur d’une société d’entraide montagnarde qui se perpétuera
pratiquement jusqu’à la révolution française. Elle fut l’objet d’une bulle du
Pape Paul V qui la dota, en outre, de nombreuses indulgences au début des
années 1600.
b) Or, siècle après siècle, la présence de
Raufaste est constante au sein de cette société d’entraide et ceci pratiquement
jusqu’à la révolution française.
c) Quelques années après le prêtre Raufast de
1315, nous trouvons les « Mossèns » (chevaliers) Raufaste, descendants
de Gaston II de Foix. (Cf. : Reflets de Loups. T. II pour les détails.)
d) Vers 1530, nous retrouvons les Raufaste de
Seix, dans le Haut-Couserans. Ils sont tous
réunis dans le corps des arbalétriers de la compagnie des
gardes-frontière.
Donc, historiquement, et compte tenu de ce que
nous savons des pratiques du temps, ce ne sont pas ces Ariégeois-là qui ont pu
grossir les rangs des Cagots.
Maintenant, la saga Raufaste, aussi méconnue
soit-elle, s’étend sur quinze siècles, soit, au bas mot, soixante générations.
Sur
une telle durée, il est impossible d’affirmer qu’aucun des innombrables
membres de ce clan ne s’est jamais trouvé isolé, persécuté ou déclassé
au point de rejoindre une population maudite, Cagots ou assimilés, ou
quel que soit le nom qui lui aura été donné.
Si tel a été le cas, nous devons compatir
ensemble à ses misères. Il convient également de faire en sorte qu’aucun autre
membre ne puisse se retrouver dans une semblable situation.
Il convient surtout de mettre les responsables de
tels disfonctionnements sociétaux hors d’état de nuire.
Enfin, tout ceci ne saurait expliquer la
mystérieuse répartie d’Henri IV : « J’en
suis un moi-même... »
Merci de t’être intéressée à l’histoire des
Loups.
Bisous, joyeux Noël et portatz vos plan, tots !
A bientot, Catherine.
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Question : 20/12/2018
Ce
serait bien que tu puisses fournir quelques documents ou probabilités
pouvant faire un lien entre cette saga familiale et l’épopée Cathare…
Yann
Réponse : 20/03/2020
Bonne initiative, Yann !
Encore qu’il soit difficile d’aborder ce sujet, tant il semble bien que
les Raufaste soient restés à l’écart de l’épopée Cathare.
Tout d’abord, et pour mémoire, la logique historique et géographique
initiale a dû faire passer leurs ancêtres du culte des
Germano-Scandinaves à celui d’Arius (vers 360/370 – Cf. Michel Rouche),
puis de l’arianisme au catholicisme de Reccared (Converti en 587 – il
règne de 586 à 601.)
À partir de là, la logique en fait des catholiques.
En tout cas, depuis 1315,
dans les quelques sources en notre possession les citant nommément,
nous ne les retrouvons que parmi les fidèles catholiques, ceci jusqu’à
nos jours. Ils y figurent souvent ès qualité de prêtres, et
régulièrement, siècle après siècle, en qualités de membres de la très
catholique Confrérie de Nostra Dama de Tramesaygues de réminiscence
Templière et dont l’un des membres fondateurs fut le prêtre Raufast.
Bref ! Rien que de très classiquement catholique dans tout cela.
Néanmoins, il est impossible d’avancer qu’il n’y eût point de Cathares dans leurs rangs.
D’abord, parce qu’ils étaient implantés en Couserans, le long de
l’antique « Chemin des Mules » qui, remontant le cours du Salat, menait
aux Ports de Salau et d’Aula. C’était alors pratiquement le seul
itinéraire orthodromique entre Toulouse et le versant Sud des Pyrénées
(La Seu d’Urgell). Le port de Salau était le passage le plus bas des
Pyrénées centrales. Or nous savons que ce chemin fut emprunté par les
Cathares, eux-mêmes implantés au Sud des Pyrénées. Il y eut donc
immanquablement des contacts entre les Cathares et les Raufaste.
Enfin, le comportement même de la croisade du Nord contre le Catharisme
a rejeté dans les rangs Cathares des combattants qui ne l’étaient pas.
Par exemple, lorsque les comtes de Foix Roger-Bernard et son fils
Raymond, respectivement père et frère d’Esclarmonde de Foix, qui
n’étaient pas Cathares eux-mêmes, s’avisèrent que les croisés
poursuivaient leur fille et sœur hérétique afin de la brûler vive, il
ne faut pas être surpris qu’ils se soient rangés du côté Cathare…
Il serait donc aventureux d’affirmer qu’aucun Raufaste ne fut Cathare… ou assimilé !
Voilà, c’est à peu-près tout ce que je peux t’en dire, outre que c’est bien que tu te sois intéressé à la question.
Grosses bises à tous deux, meilleurs souvenirs à vos amis et caresses aux petites bêtes.
Et portatz vos plan, totz !